Vincent a suivi le stage de karstologie organisé à la Rochefoucault (Charente) du 9 au 11 novembre 2019
Voici le compte rendu de ce stage scientifique :
Résumé des activités et des
observations :
Le stage a commencé le Samedi 09/11/2019, avec la
présentation en surface du système karstique du massif de la Rochefoucauld.
Plusieurs arrêts géologiques ont permis d’observer différents aspects :
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la Grande Fosse, vaste doline d’effondrement
située dans la Forêt de la Braconne, permet d’observer la structure des dépôts
de plate-forme du massif calcaire daté de l’Oxfordien. Les bancs calcaires
présentent des perturbations syn-sédimentaires – des slumps – qui résultent du
glissement des dépôts boueux calcaires formés en bordure de plate-forme vers le
pied de celle-ci. La base de ces glissements est parfois marquée par des
surfaces de décollement qui apparaissent en coupe comme des failles dites
« listriques ».
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Le Gouffre de la Fosse Mobile, situé à proximité
de la Grande Fosse et qui fait 60m de profondeur, est composé de 3 puits dont
le fond est ennoyé. Ce gouffre est un témoin de la karstification du massif de
la Braconne, et de son activité avec une circulation d’eau globalement pérenne.
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La carrière de pierre de Taille de Gratte chèvre
est située dans les calcaires de l’Oxfordien, similaires à ceux de la
Grande-Fosse. Cependant, la stratification beaucoup moins marquée s’explique
par les nombreux remaniements des sédiments pas des slumps, et dont les
surfaces de décollement sont parfois visibles. Ces discontinuités
syn-sédimentaires ont parfois été reprises par des failles – par préférence
mécanique – lors des mouvements du bassin aquitain. Ces fractures, qui ont été
plus facilement karstifiées par la suite, ont délimité les zones d’exploitation
de pierre de taille, car étant impropre à la construction. De nombreux trous
d’érosion en surface des fronts de taille sont visibles, et correspondent à de
petites poches karstifiées. Des galets mous, débris de coraux, plissements
intra-bancs au sein du calcaire attestent du caractère « d’avalanche
sous-marine » de ces dépôts.
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Les pertes dans le lit du Bandiat apparaissent
comme des gouffres dans la vallée, de faible profondeur visible, avec le
calcaire karstifié affleurant. La rivière se perd totalement dans ces
gouffre-pertes, plus ou moins en aval selon son débit. Tout comme le Bandiat,
la Tardoire située au Nord-est se perd dans des gouffres, et va rarement
jusqu’à sa confluence avec la Charente. Le caractère actif du massif karstique
est spectaculaire, et toute cette eau alimente un réseau souterrain complexe
pour ressortir aux sources de la Touvre.
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L’affleurement dit de « calcaire
corallien » rattaché à l’Oxfordien le long de la voie ferrée présente en
réalité une formation calcaire de base de plate-forme, et non un calcaire
récifal au sens strict. Les coraux ne sont pas en conditions de vie, mais en
olistolithes au sein de la formation carbonatée majoritairement micritique, à
quelques intraclastes terrigènes. Ceci souligne les conditions de formations de
base de plate-forme de ces dépôts, dans lesquels des blocs de coraux arrachés
par les tempêtes tombent en pied de talus. Des failles synsédimentaires
« listriques » sont également visibles, ainsi que des indices de
remaniement du sédiment, des slumps.
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La carrière de Peusec présente une coupe
rafraichie dans les calcaires oxfordiens, jusqu’à la base du Kimméridgien en
haut de front de taille. Dans les calcaires oxfordiens, d’apparence plus
massive, la karstification est bien visible.
Cette karstification a débuté par une phase de fantômisation, au cours
de laquelle l’eau de la nappe phréatique de l’époque a imprégné le calcaire le
long de fractures préexistantes (diaclases, failles, failles synsédimentaires).
Cette eau a dissout de manière partielle la roche, pour laisser des altérites
carbonatées plus ou moins spongieuses voire boueuses selon les faciès
d’origine. Le Fer et le Manganèse s’expriment parfois en bordure de ces zones
sous forme de dendrites et d’anneaux dans les plans de fractures. Cette
altérite carbonatée, en place, se vidange parfois sous son propre poids, et
sous l’effet d’un soutirage par la circulation d’eau sous-jacente. Le vide créé
est alors sujet à une circulation rapide des eaux. Le caractère mécanique de
l’eau s’exprime alors en diverses formes d’érosion.
La
galerie est également sujette à la sédimentation des sables, argiles, voire
blocs transportés, qui se déposent avec des figures de courant bien marquées,
finement détaillées parfois. La fin de la sédimentation est marquée dans le
secteur charentais (et même en Dordogne) par un épisode de boue argileuse,
silteuse parfois, très plastique et brune/rouge, qui comble les galeries.
Galerie
karstique, formée par fantômisation. Le sommet est en calcaire altéré, et la
base a été vidangée, et comblée par des dépôts détritiques de sables et
argiles.
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Les eaux infiltrées dans le massif karstique de
la Rochefoucauld ressortent en grande majorité aux résurgences de la Touvre,
ainsi qu’à celles de la Lèche pour la partie Sud
Bouillon
de la résurgence de la Lèche. Une sortie en « dormant » est également
présente et alimente le lavoir situé à une dizaine de mètres en amont.
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La résurgence
de la Touvre est constituée de 3 sorties d’eau, à savoir la Font de Lussac, le
Dormant et le Bouillant. Dormant et Bouillant sont connectés à une dizaine de
mètres de profondeur, et la galerie se poursuit en gouffre noyé jusqu’à 180m de
profondeur au moins, sans connaitre de continuité pour le moment. La diaclase
de la Font de Lussac est connectée en profondeur à la Touvre, et les eaux de la
Touvre en sont originaires. Les mouvements d’eau sont connus par traçages
chimiques et colorimétriques, mais restent à compléter. Du fait de la faible
altitude (-49m) des résurgences, plus de 130m de profondeur de galeries se
situent sous le niveau de la mer actuelle.
Le
dimanche 10/11, la présentation du karst en souterrain est programmée avec la
visite du réseau de Camelot, situé à la Rochefoucauld. Ce réseau karstique, de
15km de long connus à ce jour, a été découvert dans les années 2010 lors de la
campagne d’archéologie préventive du terrassement de la N141 pour contourner La
Rochefoucauld. L’accès d’origine est une plaque d’égout en bord de B.A.U. de la
nationale. Pour une question de suivi, et au regard des habitations en surface,
un puits de 28m a été foré, intégralement tubé et avec échelle, pour arriver
dans le réseau.
L’entrée
actuelle du Réseau Camelot
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Le
réseau de Camelot est labyrinthique, et les galeries s’orientent selon les
grands axes de fractures régionaux. La direction N10E est clairement visible
(failles varisques, qui influencent les diaclases), ainsi que la N120E (failles
varisques, faille de l’Echelle). L’organisation spatiale des galeries n’indique
pas une formation par une circulation d’eau. L’origine réside dans la
fantômisation du calcaire, le long des fractures tectoniques (failles,
diaclases) et sédimentaires (stratigraphie, failles « listriques »).
L’altération du calcaire le long des fractures s’est poursuivi par la vidange
des matériaux altérés (boue calcaire, argiles), et a permis, par le vide
initié, une circulation rapide de l’eau.
Topographie
du réseau Camelot. Le puits d’accès se situe au centre, au niveau du point rouge.
Les directions N10E et N120E se détachent nettement.
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